Totem et Tabou – Préface

PRÉFACE – L’émergence de la conscience moderne

par André Sirota

Extrait des premières lignes de la préface à Totem et tabou de FREUD Sigmund, ouvrage publié via iBooks, en 2015

En mars 1912, quand il commence à publier Totem et tabou, sa première œuvre anthropologique, Freud a cinquante-six ans ; ces « Quelques concordances dans la vie d’âme des sauvages et des névrosés » sont une œuvre majeure à ses yeux, à l’égal de L’Interprétation du rêve. Freud y rapproche l’âme des sauvages, qu’il étudie dans la littérature ethnographique, de celle des névrosés, ses patients, qu’il écoute parler sur le divan ; il imagine l’enfant en eux et le « sauvage », de l’anthropologie de son époque, plus proches l’un et l’autre de l’Homme premier que l’adulte actuel ne peut l’être. Par cette proximité inférée traversant le temps, Freud veut prouver l’universalité de ses hypothèses sur l’infantile, le pulsionnel ou la structure œdipienne des rapports des fils au père. Il insiste aussi sur le tabou de l’inceste, premier interdit fondateur de société, par l’accès à la reconnaissance de la différence des sexes et des générations et la règle de l’exogamie pour tous qui font sortir les Hommes premiers du magma des petites hordes primitives, archaïquement agglutinées autour d’un mâle dominant.

Quand Freud écrit Totem et tabou, de fortes turbulences secouent le mouvement psychanalytique et de puissants affects l’animent à l’égard de ceux qui poursuivront son œuvre ou s’en éloigneront. Malgré les conventions passées entre psychanalystes en 1911 par la création de l’International Psychoanalytical Association, les tensions ne cesseront pas, jusqu’à la fin de sa vie, alors qu’il écrivait L’Homme Moïse et la religion monothéiste. Freud mourra sans avoir été désagrégé, ni par ses successeurs ni par les Nazis, et ce, grâce à Marie Bonaparte qui parviendra à l’exfiltrer de Vienne. La psychanalyse lui survivra et se développera sans lui. En affirmant l’hypothèse de l’existence de réalités psychiques inconscientes et en créant le dispositif qui permet d’en repérer des effets dans le transfert, Freud a apporté un démenti à la conception dominante de la vie de l’esprit, avant lui réduite au système perception- conscience, auquel je propose d’adjoindre la volonté pour souligner l’humaine inclination de l’auto-idéalisation.

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