Le jour où la Montagne Pelée se précipita sur Saint-Pierre à 670 kilomètres à l’heure

Le jour où la Montagne Pelée se précipita sur Saint-Pierre

 à 670 kilomètres à l’heure [1]

André Sirota

mai 2020

Le 8 mai 1902 était un jeudi, jour de l’Ascension cette année-là. Autour de huit heures du matin, des nuées ardentes, surgissant du haut de la Montagne Pelée, ont dégringolé sur Saint-Pierre en Martinique, à une vitesse vertigineuse, portant quasi instantanément à 1000 degrés la température dans sa coulée.

Fin février 2020, en France métropolitaine comme dans les pays, territoires et départements ultramarins, on se préparait pour les élections municipales de mars. En cette période, nous commencions progressivement à comprendre les caractères mortifères de la pandémie planétaire du Corona-Virus-19. Cette simultanéité de la pandémie meurtrière et d’une élection a provoqué un vif retour en mémoire de ce que j’ai éprouvé fin octobre 2012, à Saint-Pierre en Martinique.

Pour une dizaine de jours, j’étais en Martinique fin octobre 2012. Claudie Eguienta, présidente de l’association martiniquaise des Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active m’y avait accueilli. Elle m’avait invité à venir contribuer à une session de formation continue de professionnels déjà engagés dans la vie et qui œuvraient dans différentes structures à vocation culturelle, éducative, sanitaire ou sociale. Le labeur fini, Claudie m’a emmené à Saint-Pierre, où j’ai marché de longues heures avec elle. Je lui en suis infiniment reconnaissant. C’était une journée silencieuse après cinq journées bruyantes en groupe de formation dans une salle ouverte à tout vent et aux pluies à verse, ainsi conçue pour y bénéficier d’une température pas trop élevée. Ce fut une journée sans grand monde dans les rues de Saint-Pierre. Une atmosphère de recueillement et de remémoration régnait pour nous.

En y repensant, ce qui s’est produit au tout début du 20e siècle m’est apparu comme une parabole de ce qui se passe au cours des quatre premiers mois de l’année 2020. Je me souviens d’une amie qui, dans son ravissant petit village aux limites de l’Île de France, s’est rendue le vendredi 12 mars dans la petite salle des fêtes de la mairie, dans une fin d‘après-midi, à deux jours du premier tour des Municipales du dimanche 15 mars. Si cette soirée avait un caractère plus conviviale qu’électoral, c’est toutefois du fait du contexte des élections municipales que les citoyens, se connaissant presque tous, avaient été conviés. Une cinquantaine de personnes se sont joints à cette soirée, sans que les participants aient pris de grandes précautions, alors que l’alerte avait déjà été sonnée la veille. Fin de la semaine suivante, la moitié des personnes sont tombées malades du Corona-virus 19, dont cette amie. A sa connaissance, le jour où elle m’en a parlé, tout début avril, personne n’en était mort. Mais tout le monde avait été bien secoué.

C’est pourquoi, je suis allé sur la Toile pour lire quelques-uns des récits du désastre du 8 mai 1902. On peut y lire que, dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle, l’activité du volcan, La Montagne Pelée, augmenta considérablement jusqu’à faire jaillir, le 8 mai 1902, une nuée ardente recouvrant la ville de Saint-Pierre et son port maritime, transformant en matière calcinée tout ce qui pouvait brûler sur son passage. Quelques minutes ont suffi. Vingt-six à vingt-huit mille personnes ont péri. Ce n’était que l’une des plus fortes saillies éruptives de la Montagne Pelée qui se sont étirées sur une quinzaine d’années, de 1889 à 1905. Le 20 mai 1902, une seconde éruption, plus violente encore, advint, achevant la dévastation de la ville. Cette nuée ardente d’un instant, si puissante, meurtrière, a tellement marqué les esprits, qu’elle a poussé à l’essor de la vulcanologie, dont on peut dire que c’est de cette catastrophe qu’elle est née de en tant que science à part entière.

Toutefois, comme dans l’après-coup, nombre de personnes ont pensé que cette catastrophe aurait pu être évitée : les circonstances dans lesquelles elle s’est produite ont frappé ses contemporains. En effet ; elle est advenue entre les deux tours d’une élection législative que l’on a voulu maintenir à la date prévue au premier tour comme au deuxième.

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Les prémices les plus proches

Début avril 1902, des fumerolles sont apparues en continue au sommet de la Montagne Pelée, finissant par produireune pluie de cendres. Le 23 avril, des grondements souterrains, se sont fait entendre. Le 25 avril, un grand nuage de roches et de cendres s’échappa du sommet. 

Le 27 avril avait lieu le premier tour d’une élection législative. Ce jour-là, une forte odeur de soufre avait envahi la ville de Saint-Pierre. Le 2 mai, la montagne produisit de fortes détonations et des tremblements de terre ; un immense panache de fumée noire s’est aussi élevé dans le ciel, masquant le soleil.

Bien que ces événements aient été perceptibles et des plus inquiétants, les instructions ministérielles en provenance de Paris comme l’Administration publique locale ne voulaient pas que soit repoussé le second tour de l’élection législative. Des récits de l’histoire de la ville, rapportent que des personnalités locales s’opposaient : certaines étaient pour l’évacuation de la ville, d’autres étaient contre[2].

Le 4 mai, les chutes de cendres s’intensifièrent encore et les routes vers le Nord furent coupées à cause des crues dans les ravines. De ce que l’on peut lire d’un document à l’autre, on peut déduire qu’une partie des gens ne se rendaient du tout compte de la réalité du danger et de son imminence, pendant que d’autres s’affolaient, et qu’un certain nombre de Pierrotins et Pierrotines s’organisaient pour quitter la ville sans plus attendre.

Le 5 mai, les rues de Saint-Pierre furent envahies par des serpents fer-de-lance. Ils fuyaient les cendres brûlantes des hauteurs de la Montagne Pelée. Leurs morsures ont tué 50 personnes et plus de 200 animaux ; alors qu’à l’embouchure de la rivière Roxelane, pour les mêmes raisons, l’usine sucrière Guérin a été envahie par des myriades de fourmis et de scolopendres venimeux faisant 25 victimes. Au même moment, la mer se retirait de 100 mètres, provoquant un tsunami qui envahit le bas de Saint-Pierre. Des dizaines d’autres Pierrotins quittaient encore Saint-Pierre, pendant que certaines voix recommandaient toujours une évacuation totale de la ville.

Cependant, en raison de la proximité du second tour d’une élection législative, estimée bien trop compliquée à reporter, aucune mesure d’évacuation générale n’a été arrêtée par les autorités. Les notables, tels le maire Rodolphe Fouché, le directeur du principal journal « Les Colonies Marius Hurard » ou le gros usinier Eugène Guérin, ont minimisé le danger contre son évidence.

Le 7 mai 1902, Louis Mouttet, le gouverneur de l’île et son épouse arrivèrent à Saint-Pierre, en provenance de Fort de France où ils avaient laissé leurs enfants. Ils sont venus, accompagnés de quelques hauts-fonctionnaires ; ils s’y sont établi pour juger de la situation au plus près et aviser ensuite. Le soir même du 7 mai, il appuie de son autorité un communiqué rassurant, publié par la commission scientifique qu’il a constituée une semaine plus tôt. Il s’agit aussi pour lui de veiller au bon déroulement du second tour de l’élection du dimanche 11 mai.

Ce jour d’Ascension, ce jeudi 8 mai 1902, autour de 8 heures du matin, une formidable explosion se produisit. Une nuée ardente dévala alors le volcan vers Saint-Pierre à la vitesse de 670 kilomètres à l’heure. En quelques minutes, cette masse gazeuse et solide, faite de cendres, de pierres et de gaz enflammés, à plus de 1 000° Celsius, écrasa toute la ville d’une masse de boue brûlante, de plus de 6 mètres de hauteur et recouvrit la rade, détruisant 40 navires. Le choc et la chaleur furent tels que tous les habitants trouvèrent une mort immédiate11. En quelques minutes la cité devint un impressionnant champ de cendres et de scories se pétrifiant, de ruines et de cadavres calcinés. On peut se représenter cette apocalypse dans la langue du récit poétique et irréel que nous en a donné Patrick Chamoiseau dans Texaco (1992)[3]. En ce seul instant, c’est donc près de 26 à 28 000 personnes qui ont trouvé la mort au pied de la montagne Pelée, dans l’une des éruptions volcaniques les plus meurtrières de l’histoire.

Après la catastrophe, les reproches à l’endroit du gouverneur furent nombreux. Quelques témoins12 et historiens ont critiqué, bien sûr, son refus d’envisager l’évacuation de la ville, justifié par sa volonté de ne pas alarmer la population et pour ne pas donner raison à l’opposition locale qui réclamait des mesures d’urgence.  

Des décennies plus tard, des jugements plus nuancés ont été portés. Il fut admis, d’une part, qu’ en 1902, Louis Mouttet disposait, d’assez peu de moyens d’information pour se représenter la réalité du risque d’une éruption majeure, que les scientifiques qualifieront de « péléenne », du nom de la montagne Pelée, faute de précédents historiques pour la nommer ; d’autre part, l’évacuation de toute la population de Saint-Pierre — près de 30 000 personnes — aurait dû être engagée bien plutôt pour être organisée, c’est-à-dire avant même le 27 avril, jour du premier tour de l’élection législative.  Au dernier moment, il était trop tard. En outre, il semble admis que, si cette opération avait été engagée suffisamment tôt, elle se toutefois serait heurtée à une résistance importante parmi les habitants. Enfin, eu égard à sa manière d’habiter le monde de son époque, on peut lire sur la Toile qu’il est possible de penser que le gouverneur croyait à ce qu’il disait sur le volcan, puisqu’il a assumé jusqu’au bout son propre choix, laissant pour preuve de sa sincérité, sa vie et celle de son épouse dans la coulée de lave incandescente. Toutefois, en tant que psychologue et socio-anthropologue des groupes actuels et des processus collectifs, et après avoir lu quelques pages sur son trajet personnel et sa carrière, il me semble que l’on peut aussi risquer l’hypothèse selon laquelle Louis Mouttet savait « quelque part » en lui, qu’il allait vers la catastrophe. Cependant, comme il voulait très certainement servir l’État républicain de manière exemplaire, en exécutant à la lettre les directives venant de Paris, il devait probablement estimer qu’il valait mieux pour sa carrière obéir à Paris, plutôt que de tenir compte des avis de personnalités locales, quitte à en perdre la vie. Peut-être pensait-il au fond de lui, et à son insu, qu’il valait mieux prendre le risque de mourir plutôt que de paraître inquiet devant le danger, puis ridicule aux yeux du souverain républicain, si jamais la catastrophe, en définitive, ne se produisait pas. Cela donne à penser à la nécessité d’instances collectives d’inter-contrôle, en espérant, qu’en cas de situation extrême, il y ait au moins une instance dont les membres ne perdent pas la tête devant le danger ou devant l’insolence, le manquement à ses devoirs de protection ou l’inconséquence dont est capable le Pouvoir politique.

Dans la ville, on ne retrouva apparemment que deux miraculés. L’un des deux, le plus célèbre, se nommait Louis-Auguste Cyparis. Il avait été mis en détention après une rixe meurtrière sous l’effet d’une ivrognerie. Les murs de son cachot lui ont évité une mort horrible. L’autre rescapé, un cordonnier nommé Léon Compère, dit Léandre, a également survécu ; observant depuis plusieurs jours les fumerolles de la Montagne Pelée, il se réfugia dans un sous-sol de son échoppe. Toutefois, moins bien protégé que Louis-Auguste dans son cachot, il fut brûlé aux bras, aux jambes et à la poitrine.

Apostille

En 1902, l’impossibilité psychique, sans doute, de penser, ou de reconnaître pour ce qu’elle est, l’imminence de la fatalité du danger volcanique était-elle liée à des intérêts politiques et « économiques », ou sous leur emprise ? Sans mépriser ces intérêts et les balayer d’un revers de main, on peut s’autoriser à imaginer que d’autres décisions auraient pu être prises plusieurs semaines avant le 8 mai. Si l’on avait écouté les voix de la prudence d’un certain nombre, une partie au moins de la population, aurait pu être exfiltrée avant le dernier moment. Non sans une épreuve majeure, au dernier moment. À ce moment-là : qui sauver en premier et, à coup sûr, qui sacrifier, comme dans le naufrage du Titanic survenu dix ans plus tard, dans la nuit du 14 au 15 avril 1912 ?

Même sans la vulcanologie contemporaine pour Saint-Pierre et les Pierrotins, les causes spécifiques à chacune de ces deux catastrophes, survenues avant la première guerre mondiale, ont-elles été suffisamment analysées et intégrées dans le patrimoine des connaissances ? A-t-on bien compris les capacités d’auto-aveuglement, ou le phénomène de persistance de l’omnipotence infantile comme organisateur de la psyché de responsables politiques, ou la capacité de fétichisation de la croissance et des technosciences dont le concept invraisemblable d’intelligence artificielle a pris le relais, nous promettant que, dans un proche avenir, on n’aura plus besoins de « nous », puisque l’être humain pourra avantageusement être remplacé par des machines, qui ont, en outre, le mérite de ne pas protester ?

De nos jours, nous disposons de données suffisantes pour anticiper bien mieux qu’en 1902. Pourtant, cette pandémie du Corona-Virus 19 nous laisse tous perplexes, puisqu’existent les connaissances sur sa propagation, ainsi que sur les techniques de son dépistage des personnes atteintes. Et, pourtant, un pays développé et des plus riches du monde comme la France ne dispose pas des capacités de les mettre en œuvre, ce qui a contraint ses dirigeants à prescrire un confinement général, sans pour autant reporter le premier tour des élections municipales, lesquelles ont été pourtant reportées d’un an, il y a une douzaine d’années, alors qu’il n’y avait pas de menace pandémique, mais trop d’élections la même année. Une autre question se pose : pourquoi les responsables publics n’ont-ils pas diffusé, dès les premiers instants la recommandation formelle à tous les citoyens de se fabriquer ou de faire fabriquer par leur retoucheuse plusieurs exemplaires d’un masque lavable avec une recette pour le fabriquer et le laver ?

Pourquoi les détenteurs des pouvoirs politiques n’ont-ils pas impulsé, dès le mois de janvier 2020, une augmentation du pouvoir d’agir de chaque citoyen en invitant à la fabrication de masques par chacune et chacun d’entre nous ?

Et, par cette même invitation et par voie de conséquence, pourquoi les détenteurs des pouvoirs politiques, les élus, n’ont-ils pas diminué la dépendance de leur pays, le nôtre, envers ceux qui se targuent d’en disposer plus qu’ils n’en ont eux-mêmes besoin, tout en leur achetant, parfois au prix le plus fort, alors qu’on peut en fabriquer nous-mêmes au moindre coût ?

La réponse à ces deux questions ?

En suspendant et désorganisant partiellement les activités et la vie de nombreux pays, le Coronavirus-19 a dépossédé leurs dirigeants du pouvoir politique. Mis dans l’impuissance par un virus insaisissable, chaque dirigeant a été ramené à un peu d’humilité.  Ce que n’ont pas supporté quelques-uns. Admettre que le pouvoir politique a été capté par un virus est parfaitement insupportable pour celles et ceux qui ont une certaine conception du pouvoir politique et des rapports de domination. La preuve en a été donnée par les dirigeants de pays plus ou moins grands qui se sont mis à délirer, c’est-à-dire à déréaliser, un peu plus qu’avant, en déclarant qu’il n’y avait pas lieu de prendre de mesures de confinement ou que le virus n’existait pas. Ces dirigeants n’ont pas été révoqués, ni mis dans un service de soins psychiques intensifs. Ils sont toujours en place, alors qu’ils ont voué à la maladie et à la mort annoncées une partie des populations les plus âgées de leur pays, et par-là ont programmé la destruction des liens intergénérationnels. Il est sûr que l’on doit quelque chose, ne serait-ce que la vie, aux générations d’avant, et se débarrasser d’elles grâce à un virus, c’est effacer à bon compte sa dette de vie.

En France comme ailleurs, cette mise dans l’impuissance est aussi le résultat de politiques de santé publique successives qui ont renoncé à concevoir la santé des citoyens comme un bien commun, un bien public de première nécessité, tant par l’impératif catégorique d’humanité, censé inspirer celles et ceux qui veulent accéder aux responsabilités publiques, que par nécessité économique vitale pour tous.

Quel sens peut prendre l’appel à la responsabilité individuelle quand, en même temps, on n’incite pas clairement les citoyens puisque l’on ne prend pas les dispositions qui leur permettraient de l’exercer par l’augmentation de leur pouvoir d’agir  sans attendre.


[1] – Texte établi en s’appuyant notamment sur plusieurs sources trouvées sur la Toile, dont je ne suis pas en mesure de vérifier le fondement. Si, par chance, des lecteurs avertis se trouvaient en possibilité de m’adresser des remarques, compléments ou corrections, quant aux faits ou à la manière de les raconter, et qui constitueraient des inexactitudes, je leur serais vivement reconnaissant de m’écrire.

[2] – Il faudrait consulter des archives pour savoir qu’elles étaient les options politiques en présence et quelles étaient les positions défendues par les uns et par les autres.

[3] – Patrick CHAMOISEAU, 1992, Texaco, Paris, Gallimard.

Violences entre Générations – Transformation ou répétition ?

Ouvrage collectif coordonné par André Sirota

Assistant de rédaction : Grégoire Thibouville

Dans cet ouvrage, sont rassemblés des regards d’historien, d’anthropologue, de sociologue, de pédopsychiatre, de psychologue et de psychanalyste de groupe. Les auteurs y rendent compte de leurs recherches et de leurs analyses des figures de la violence et de la cruauté en différentes époques et régions du monde.

Chaque chapitre donne des pistes de compréhension et propose des démarches pour transformer la violence et la faire passer de la violence brute et destructrice à des capacités de figuration symbolique par un travail de penser ou de culture, dont l’expression artistique.

À partir de leurs travaux, les différents auteurs sont fondés d’affirmer que la voie du renoncement à la répétition et de cette transformation passe par l’invention de médiations et de lieux appropriés, pour susciter le désir de créer, penser et parler comme agir avec d’autres, afin de relancer ou de soutenir en chacun le plaisir d’être et de faire avec les autres, qui seul peut nourrir ce qu’on peut appeler processus d’humanisation, afin de surmonter les tensions et histoires individuelles ou intergroupes qui poussent au goût du pire et à la rupture de tout lien, Thanatos prenant alors le pas sur Éros.

Parution : septembre 2017 – 337 pages

Prix : 31,90 €

Distribution Hachette Livre

Livre numérique via Amazon

Editions Le Manuscrit – www.manuscrit.com librairies-diffusion@manuscrit.com

Au sommaire de l’ouvrage

 

André Sirota :  Naissance du sentiment social  

 

Première partie : Regards d’historiens

Louis-José Barbançon, Historien & professeur certifié hors classe à la retraite, Nouvelle-Calédonie :  Terre violente ou terre de parole et de partage ? De la culture de l’oubli au travail de mémoire.

Isabelle Merle, Historienne & Chercheure au CNRS, détachée à l’UNC en tant que maître de conférence. Laboratoire CNEP (Nouméa)/IRIS (Paris), Nouvelle-Calédonie : Réflexion sur la violence coloniale et les effets de « brutalisation » des rapports sociaux. L’exemple de la Nouvelle Calédonie.

 

Deuxième partie : Regards anthropologiques

Tamatoa Bambridge, Socio-anthropologue, chargé de recherches en anthropologie au CNRS, notamment spécialiste des questions foncières et environnementales Tahiti – Polynésie Française : Un regard anthropologique sur les régimes de violence parmi les populations autochtones des îles polynésiennes depuis le début du XIXe siècle.

Bernard Rigo, Professeur des Universités en langues et cultures océaniennes à l’Université de Nouvelle-Calédonie (UNC) & directeur du Centre des Nouvelles Études sur le Pacifique (CNEP) : Le genre en Océanie ou la violence d’une définition problématique.

David Le Breton, Professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, Institut des Etudes Avancées de l’Université de Strasbourg (USIAS) & écrivain, France : Violences délinquantes d’adolescents.

Nicolas Garnier, Conservateur du musée du Quai Branly, responsable des Collections du Pacifique. Auparavant, Executive Dean, Centre for Research and Postgraduate Studies – University of Papouasie-Nouvelle-Guinée : La mémoire de guerre en Papouasie-Nouvelle-Guinée : pratique artistique & guerre civile à Bougainville.

Troisième partie : Regards cliniques

Pablo Castanho, Maître de conférences en psychologie à l’Université de Sao Paulo, psychologue clinicien, groupaliste, Brésil :  Une approche latino-américaine du groupe pour mettre au travail le legs psychique de la colonisation et la violence qui en découle.

Klimis Navridis, Professeur de psychologie à l’université d’Athènes, psychanalyste & analyste de groupe, Grèce : D’un retour en arrière utopique à l’utopie potentiellement créatrice. Quand tout est crise autour de soi, entre la vie et la mort en Grèce.

Lucien Hounkpatin, Maître de conférence de psychologie à l’université Paris VIII- St Denis, psychanalyste & Henny Czitrom-Wexler, docteure en psychologie,  Nathalie de Timmerman, docteure en psychologie, et Tania Sierra, Centre Georges Devereux, France : Un masque derrière un masque et ainsi de suite : le tiers multiple.

Pierre Delion, Professeur des Universités à la faculté de médecine de Lille 2, France : Violence et enfance : l’importance de la psychopathologie pour tenter d’expliquer les comportements et engager une politique concrète de prévention.

François Pommier, Professeur des Universités en psychopathologie, Université Paris Nanterre, Laboratoire CLIPSYD – EA 4430. Paradigme Approche psychanalytique de la Psychopathologie (A2P), psychiatre & psychanalyste, France : Le deuil en après-coup

Janine Puget, Médecin, psychanalyste, Professeur de l’IUSAM (Université de Santé Mentale), Directrice Scientifique du Département de Psychanalyse de couple et de famille de APdeBA, Buenos Aires, Argentine : Visibilité de l’invisible des violences en différents contextes.

Grégoire Thibouville, Psychologue clinicien, groupaliste & doctorant en psychologie à l’Université Paris 13 – UTRPP 4403, NOUVELLE-CALEDONIE & André Sirota : Suicide, insularité & crise du corps d’équipe dans un dispensaire néo-calédonien.

Mise en perspective

André SIROTA, Professeur émérite de psychopathologie sociale clinique – Université Paris Nanterre, Laboratoire CLIPSYD – EA 4430, psychanalyste groupal, France. Faire société après la fin des sociétés de culture traditionnelle.

Un engagement

 

Le parcours qui est le mien est caractérisé par un engagement continu pour la cause des enfants et les nouvelles générations, par un questionnement renouvelé par des questions de société et du vivre ensemble. Il est celui de quelqu’un qui n’oublie pas d’où il vient, qui n’oublie pas ceux qui sont venus avant lui et ce qui lui a été transmis dans le contexte des horreurs extrêmes des deux grands totalitarismes emboîtés du 20e siècle et des processus collectifs et inter-nationaux issus des aveuglements divers sur lesquels ils ont prospéré.

Cet engagement est fondé sur ce que Donald Woods Winnicott appelle la capacité de sollicitude, l’amie intime de la capacité de se sentir concerné par autrui, de la capacité de reconnaissance de ce que l’on doit aux autres, à leur insu, le plus souvent, parce que l’on a su recevoir ce qu’ils nous ont montré d’eux-mêmes.

Mon engagement est référé aux idées philosophiques de l’Éducation Nouvelle et des Lumières. Il s’est trouvé étayé et enrichi dans l’expérience de la psychanalyse, en particulier celle qui s’est intéressée à l’individu en relation avec les autres, « au fait d’être et faire avec les autres », celle qui donne accès au sentiment social, c’est-à-dire  à la capacité de se percevoir comme auteur et co-auteur de ce qui advient, en tant que partie prenante d’un groupe, de groupes emboîtés et d’instances articulées dans les institutions où nous allons, de l’une à l’autre, selon leurs compétences.

L’Éducation Nouvelle et Psychanalyse sont héritières des Lumières, époque moderne de l’émergence du développement des sciences donnant accès à une rationalité scientifique fondée sur l’exigence de l’extension du territoire de la psyché et de la raison éclairée par les développements des champs des sciences.

Une volonté d’œuvrer dans les organisations à des relations de travail sollicitant la prise de responsabilité et la créativité de chacun, instaurant des rapports sociaux reconnaissant la dignité de chacun, faisant éprouver  — contrairement aux idées reçues — qu’il n’y a d’extension de la liberté individuelle que si celle des autres augmentent aussi dans le même mouvement. Ma liberté réelle augmente quand celle des autres augmente aussi : nous refusons l’imaginaire leurrant du prêt à penser selon lequel la liberté individuelle s’arrêterait là où commencerait celle des autres.

Mes engagements sont marqués par une capacité à accompagner des équipes de travail qui ont l’ambition de fonctionner en référence aux idéaux coopératifs et de solidarité en le démontrant régulièrement par leur action, malgré les obstacles imposés par leur contexte.

Oui, il est possible de promouvoir des rapports de coopération dans le travail et de faire  ainsi face aux turbulences et aux menaces de la destructivité, d’où qu’elle vienne. Les capacités individuelles ne peuvent s’exprimer et se développer que dans et par un système organisationnel qui permet leurs manifestations, ce qui augmente dans le même mouvement la capacité collective d’une organisation.

Il est donc complètement erroné et toxique de faire croire au seul mérite individuel et d’encourager la croyance que l’on peut se construire et faire sans les autres sinon contre les autres. Un tel programme idéologique est, bien entendu, dans l’erreur. Il est surtout thanatophore. La mort est son métier.

Oui, il est possible, si on le veut vraiment, de développer nos capacités de coopération et d’élaboration, de rendre fécond le travail en commun et d’avoir ainsi accès au  plaisir partagé du penser et du faire avec d’autres, ce qui augmente en nous notre humanité et permet, par la même occasion, de  faire face avec efficacité, et solidairement, aux défis du monde contemporain.

Ce qui advient au cours de la vie des individus et de leurs groupes et organisations reste le plus souvent de l’ordre de l’inadvenu. Alors que l’on a surtout tendance à ramener ce qui se produit à du déjà connu. C’est pourquoi, s’ils veulent vivre et agir dans et sur leur époque, en ayant une prise sur leur environnement et sur eux-mêmes, individus et groupes doivent régulièrement faire des pas de côté, se réunir dans un espace-temps intermédiaire, équiper pour cela leurs organisations d’instances collectives indispensables pour remettre en mouvement leurs capacités de penser. Penser ? Pour penser, il faut commencer par analyser à plusieurs ce qui survient afin de pouvoir en dégager de nouvelles intelligibilités provisoires et des modalités d’action appropriées, avec toutes les parties concernées. D’où la nécessité de créer des espaces groupaux intermédiaires de penser : des espace culturels intermédiaires.

 

À venir en juin 2013

Parution annoncée en Ligne en juin 2013

Sirota, A. (2013). L’émergence de la conscience moderne, préface à Totem et tabou, Paris, Éditions Payot & Rivages, Petite Bibliothèque Payot, édition numérique.

 

 

 

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